En réfléchissant à différentes idées pour le contenu du blog de Us & Coutumes, je me suis dit qu’il serait intéressant de partager avec vous les différentes étapes de conception d’un projet sur mesure que nous venons tout juste de terminer pour une cliente. Un genre de «comment c’est fait» en quelque sorte.
Notre cliente, Anna, nous a contacté via notre site web en nous demandant si nous pourrions concevoir un support à livre (un genre de lutrin) sur mesure qu’elle pourrait offrir à son mari pour son anniversaire. Ça faisait un bon moment qu’elle cherchait un support qu’il pourrait utiliser lorsqu’il étudie mais tout ce qu’elle avait trouvé jusqu’à présent était un brin..disons vieillot.
Nous avons donc commencé par explorer quelques idées en sketch. En voici quelques unes ci-dessous. En réalité, j’en ai dessiné 2-3 fois plus mais je voulais montrer cette page car elle n’est pas parfaite, loin de là. Je n’ai même pas nettoyé la numérisation de la page de mon cahier juste pour que ça soit plus fidèle à la réalité. C’est devenu une mode ces derniers temps de publier des produits et de montrer un condensé de sketchs qui prétendent illustrer le processus de conception du produit en question. En réalité, ce sont souvent des sketchs qui ont été refaits séparément et assemblés dans Photoshop juste pour la publication du produit. Je préfère montrer la version brute, pas la version retravaillée. Dans mon travail, je ne sketch pas tant que ça. Parlez à différents designers industriels et chacun a sa méthode et ses habitudes. À mon avis, un sketch sert à transmettre une idée, à faciliter les échanges entre collègues, pas nécessairement à dessiner quelque chose de beau. Habituellement, du moment que je pense que j’ai une idée qui vaut la peine d’être poussée de l’avant, je la détaille avec un logiciel de modélisation 3d.
Même si notre cliente n’avait pas demandé à ce que l’angle du support à livre soit ajustable, je me suis dit que ce serait préférable qu’il soit utilisable dans au moins deux positions. Voici pourquoi: en théorie, ce produit sera surtout utilisé pour étudier. Toutefois, rien ne nous dit qu’il ne servira pas à supporter un livre de cuisine pour y suivre une recette ou pour retaper à l’ordinateur un texte tiré d’un livre. Ces activités requièrent différents angles et j’ajouterais que si plus d’une personne viennent à l’utiliser, deux angles différents peuvent compenser pour des utilisateurs de tailles différentes. De plus, cet objet sera tout de même volumineux. La cliente nous a demandé qu’il ait 17″ (43 cm) de largeur par 12″ (30,5 cm) de profondeur pour la planche de support. Et que faire d’un tel objet quand on ne l’utilise pas? Ça se range plutôt mal dans une étagère. Le mieux serait que le support puisse être rangé à plat pour sauver un peu d’espace. Alors on le fait démontable? Pliable?
Après avoir jonglé avec quelques idées, que je n’aimais pas pour la plupart car trop compliquées, trop mécaniques (et donc trop loin du look simple et épuré que je recherchais), c’est l’idée qui semblait la plus évidente qui est restée: ce support à livres pourrait très bien utiliser le même principe que notre support à iPad. On aurait qu’à remplacer la tablette par une planche de support pour les livres.
J’ai donc envoyé à Anna deux propositions. La première était l’idée que je viens de décrire: ajustable en utilisant un bloc de support avec des encoches comme notre support à iPad. La seconde idée était fixe. Quoiqu’esthétiquement je préférais la seconde, il était clair que la première idée était vraiment plus pratique. Notre cliente a choisi l’option ajustable et nous lui avons offert d’ajouter une troisième encoche qui permettrait un angle plus vertical pour tenir un livre de cuisine. Ce que j’aime particulièrement de cette idée c’est qu’elle permet à Anna et son mari d’utiliser la base comme une station de chargement pour leurs téléphones, tablettes, etc. Mais elle permet aussi d’utiliser la base comme un support à iPad même si les angles ne sont pas exactement les mêmes que notre produit standard. Je pense que c’est une bonne chose qu’ils en aient un peu plus pour leur argent, sans que ça devienne un truc trop compliqué qui essaie d’en faire trop à la fois. Ah oui, j’ai oublié de mentionner que la planche de support pour le livre s’enlève: on peut donc la placer à plat sur le bloc pour le rangement quand l’objet n’est pas utilisé.
Pour continuer avec le processus de design, voici les rendus (images de synthèse créées à l’ordinateur) qui ont été envoyées à la cliente. Les images montrent les deux concepts. Tout dépendant de la nature du projet sur mesure, nous ne faisons pas toujours des rendus. Quand on modifie un produit standard pour un client, ce n’est pas vraiment nécessaire. Mais pour un projet de ce genre, c’est non seulement utile pour valider les proportions et l’aspect formel en général mais aussi parce que c’est le meilleur outil pour soumettre des propositions à nos clients.
Par la suite, nous avons fabriqué un prototype pour nous assurer que le support était suffisamment rigide et que l’ensemble était stable. De plus, nous devions trouver un moyen d’usiner les encoches à un angle aussi plat (plus plat que notre support à iPad standard), ce qui nécessitait un outillage différent. Gardez en tête que ce prototype était plutôt brut. On construit souvent ce genre de modèle pour valider certains aspects de la conception, pour vérifier des paramètres précis. Ce qui compte ici, ce n’est pas que l’objet soit bien fini ou joli mais qu’il fasse ce qu’on attend de lui.
Dans le cas d’un petit produit, il est facile de faire un prototype. Dans un monde parfait, nous validerions toujours le design d’un objet en bâtissant un modèle de validation. Ça nous permet d’évaluer à l’oeil ce qu’on croyait juste à l’ordinateur et souvent, on fait des réajustements. C’est aussi la seule manière de tester un mécanisme ou un mouvement entre deux pièces (on pourrait faire des simulations à l’ordinateur mais en ébénisterie, c’est plus facile de construire l’objet réel). Dans le vrai monde par contre, certains objets sont trop coûteux pour qu’on puisse faire un prototype. C’est le cas pour une table de salle à manger ou un lit par exemple. Par ailleurs, ce sont des produits qui présentent moins d’incertitudes.
Une fois la stabilité et la rigidité validée, Jean a débuté la fabrication. Voici quelques images. Comme on dit, on ne peut jamais avoir trop de serres!
Dans la seconde image, on voit bien les angles des encoches. En comparant aux images ci-dessous, on constate à quel point l’application d’huile fait ressortir la couleur et le grain du bois, particulièrement en noyer noir. Je dois dire qu’on en applique trois couches sur chaque produit que nous faisons, en sablant avec beaucoup d’amour entre chaque étape. Ça aide aussi à faire parler le bois un peu plus!
Et finalement, voici le produit fini. Si vous vous le demandez, le vrai nom de cet objet est un shtender de table. Sans blagues! Tout le processus a duré environ trois semaines, du moment où Anna nous a contacté jusqu’à la réception du produit. Nous sommes contents, la cliente aussi. Je pense qu’en le modifiant un peu pour réduire sa taille, on pourrait même en faire un produit standard. Nous verrons… Merci de nous lire!
*Le support à livre ajustable est désormais un produit standard de Us & Coutumes. Retrouvez-le ici.
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